L’annonce du décès du professeur Pathé Diallo a éclaté dans le ciel comme un terrible coup de tonnerre dont l’onde de choc s’est propagée à la vitesse de l’éclair dans les milieux guinéens, incrédules et abasourdis, tant cette perte inestimable est, à bien des égards, irréparable.
Lorsque sa maladie a pris des proportions inquiétantes, la famille a décidé de l’évacuer à Paris dans l’hôpital Georges Pompidou, le 21 septembre 2022, accompagné de son épouse Aïssatou Taran Diallo, elle-même professeur de médecine.
Malgré les soins intensifs prodigués à leur confrère, les spécialistes parisiens n’ont rien pu y faire. Un terme nous est fixé à nous tous : « Pas une minute de plus, pas une minute de moins », comme l’a si bien dit sa fille Oumou Khairy lors de l’oraison funèbre qu’elle a prononcée au symposium consacré à l’illustre pédiatre. Il s’est éteint le lundi 24 octobre 2022 au soir, un mois après son admission à Georges Pompidou.
Son corps a été rapatrié à Conakry, le samedi 29 octobre, par le vol d’Air France qui arrive dans la capitale guinéenne à 20 heures, accueilli par la famille et les proches en grand nombre. Il avait été décidé à l’avance de l’acheminer directement à Do’nghol, son village natal dans la préfecture de Lélouma, région administrative de Labé, où il est arrivé le lendemain matin 30 octobre.
Des funérailles grandioses y sont organisées au milieu d’une foule nombreuse accourue de tous les coins et recoins de la région et de la ville de Labé, capitale de la Moyenne Guinée, alertée par le bouche-à-oreille qui fonctionne merveilleusement bien dans de telles circonstances.
Le rituel d’usage et de soutien au défunt a commencé dans la maison familiale et s’est poursuivi dans la grande mosquée de Do’nghol. Les plus grands érudits et maîtres coraniques de toute la région se sont rassemblés en cercle dans ce lieu saint pour réciter les versets coraniques et les invocations consacrées afin d’accompagner feu Pathé Diallo dans sa dernière demeure. On a rappelé les grands mérites du professeur Pathé et célébré sa famille qui appartient à une glorieuse lignée remontant aux origines de l’ancien Etat théocratique du Fouta Djallon.
Après la prière obligatoire du Zohr (Fana’on), qui marque le début de l’après-midi, il a été enseveli dans le cimetière familial de Do’nghol, ce grand village devenu un véritable centre urbain grâce au dynamisme de ses ressortissants.
Le Pr Pathé laisse une veuve, Mme Aïssatou Taran Diallo, professeur agrégé de médecine spécialisé en chirurgie. Elle est chef du service de chirurgie à l’hôpital Ignace Deen et vice-doyenne chargée de la recherche à la Faculté des sciences de la santé à l’UGANC. Le Pr Pathé a épousé sa cousine, selon la tradition peule qui remonte, dit-on, à l’Egypte antique. Aïssatou Taran est la fille de son oncle maternel, le célèbre Dr Alpha Taran Diallo, qui était ministre de la Santé sous la Ière République. Cette famille compte beaucoup de médecins.
Il laisse également trois enfants : Alpha Amadou, 41 ans, responsable administratif et financier du HCR au Caire en Egypte ; Kadijah, 40 ans, chargée de la communication au siège régional de l’OMS à Brazzaville au Congo ; Oumou Khairy, 33 ans, consultante en communication. Huit petits-enfants ont aussi perdu leur grand-père.
L’université guinéenne n’a pas été en reste dans la célébration du Pr Pathé. Un symposium s’est tenu dans la matinée du 29 octobre, le jour même du rapatriement du corps, dans l’enceinte de la Faculté de médecine de l’UGANC, le plus important établissement guinéen d’enseignement supérieur, sous le haut patronage de l’actuel ministre de la Santé, Dr Péthé Diallo (son quasi-homonyme avec lequel on le confond quelquefois).
Pathé Diallo était un surdoué. Il n’a passé que trois années à l’école primaire, sautant les classes miraculeusement. Il a commencé son éducation à l’école coranique où il a suivi un cycle complet d’étude et de mémorisation du Coran qui l’a conduit à la plus haute érudition islamique.
C’est après cela que son oncle, Dr Alpha Taran Diallo, l’a inscrit à l’école française où il a excellé. Il nous a rejoint au fameux Lycée classique et moderne de Labé au début des années 1960. Durant l’année du Baccalauréat, Pathé et moi étions dans la même classe terminale. S’y trouvaient aussi des élèves qui accompliront d’excellents parcours professionnels comme Kaba Mory, futur haut cadre de l’administration publique, Habib Diallo, futur ministre, Mamadou Ba, qui deviendra vice-président du CA de l’Institut Polytechnique Gamal Abdel Nasser ou Ba Madina, qui sera directrice à la RTG ou encore des ingénieurs, médecins, hommes de lettres et scientifiques de haut niveau.
Pathé Diallo, quant à lui, ira en Algérie, puis au Maroc pour faire sa médecine qu’il achèvera par la spécialisation en pédiatrie, discipline pour laquelle il avait une vocation naturelle. Il avait le pouvoir d’attirer à lui les enfants car c’est un don exceptionnel que de savoir leur parler et leur inspirer confiance. Comme par magie, les petits malades l’adoraient car il suscitait chez eux une prodigieuse empathie qui contribuait à les guérir autant que les médicaments qu’on leur administrait. Excellent pédiatre, il a été l’un des tout premiers agrégés de médecine et titulaires du grade de professeur en 1988.
Le Pr Pathé avait un sens inné de l’amitié. Lorsqu’il faisait votre connaissance, il ne vous oubliait jamais, quoiqu’il arrive. C’est ainsi que lorsque je l’ai rencontré en avril dernier à Conakry, après des années et des années de séparation, c’est comme si on ne s’était jamais quittés. Il m’emmena aussitôt dans sa clinique qui est aussi le siège du Centre médical et de conseil en santé (Cemeco) dont il était le directeur général à Kipé où je retrouvai un ancien condisciple, Ahmed Tidiane Diallo, que j’avais perdu de vue depuis le lycée.
Notre amphitryon nous invita au Jacquier, chez Mme Yaya Barry, le restaurant le plus en vogue à l’heure actuelle à Conakry, dans le quartier de Kipé au carrefour Métal Guinée. Nous y avons savouré la fameuse sole meunière et sa jardinière de légumes qui font les délices des gastronomes. Le Pr Pathé organisa ensuite une conférence téléphonique qui nous mit en communication avec des amis situés aux quatre coins du monde. Ce furent de sublimes retrouvailles.
Comme ministre de la Santé sous le président Lansana Conté, de 1985 à 1989, il laisse un souvenir impérissable parmi la population guinéenne en étant le pionnier de la mise en œuvre des centres de santé primaire qui ont essaimé dans toute la Guinée. C’est également lui qui a rationnalisé et réglementé la procédure de création des pharmacies dans le pays. Il a apporté une contribution exceptionnelle à la lutte contre la maladie à virus Ebola.
Au moment de son décès, le professeur Pathé Diallo était le chef de l’unité de pédiatrie, d’hématologie et d’oncologie du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Conakry et membre du Comité national guinéen d’éthique pour la recherche en santé (CNERS).
Il a accompli une carrière internationale impressionnante comme membre du Collège des médecins d’Afrique de l’Ouest (WACP) et membre du Groupe franco-africain d’oncologie pédiatrique (GFOP). Il a été directeur de l’Institut régional de santé publique (IRSP) à Cotonou au Bénin, puis représentant de l’OMS et a contribué à la création des facultés de médecine au Tchad et en Mauritanie.
Nous disons adieu à un grand homme et nous prions le Très-Haut, Maître des cieux, de la terre et de l’espace qui les sépare, Souverain des mondes, de l’accueillir dans le Paradis le plus élevé.
Alpha Sidoux Barry
Président de Conseil & Communication International (C&CI)