Guinée, 25 Juillet (IBC) – L’ancien maire de Labé, Elhadj Ibrahima Sampiring Diallo trouve la problématique de la salubrité des villes guinéennes plus complexe qu’une simple « journée de civisme et d’assainissement » initiée par le gouvernement, à travers le Ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation (MATD).
S’exprimant sur le sujet, dimanche soir, au micro de votre quotidien en ligne infosbruts.com basé en Moyenne Guinée, l’ancien maire de Labé, Elhadj Ibrahima Sampiring Diallo reconnait qu’une ville salle est une ville qui tue.
« Que le ministre de l’Administration du Territoire prenne une décision pour exiger que le premier samedi de chaque mois que les citoyens se mettent à assainir la ville, à prendre conscience de la nécessité de rendre leurs villes propres est une très belle chose » a-t-il réagi dans un premier temps.
Mais, face à la complexité de la question, l’enseignant à la retraite doté d’une certaine expérience de la gestion d’une collectivité a ajouté que l’initiative gouvernementale n’est pas tout à fait suffisante pour rendre ses villes propres.
« L’intérêt de sa mesure, c’est d’habituer les citoyens d’abord à la propreté, à maintenir propre leurs cadres de vie. En tant qu’ancien maire, j’ai remarqué que le plus gros pollueur, c’est la population. Or, elle ne participe pas aux efforts d’assainissement. Quand les autorités communales prennent une décision pour demander aux citoyens de donner, chacun, un montant pour permettre de mener à bien les activités d’assainissement, la population refuse de participer. Il y en a qui profitent de la nuit pour appeler un fou lui remettre un sac d’ordures et lui demander d’aller déposer là où on dépose les ordures de la ville. Cela prouve qu’ils ne veulent pas participer à cette opération d’assainissement-là. Sur ce plan, j’estime qu’instituer le premier samedi de chaque mois une journée de civisme et d’assainissement va amener les gens à prendre conscience eux-mêmes de la nécessité de participer à l’assainissement de leurs cadres de vie. Sur ce plan donc le ministre a parfaitement raison » a-t-il déclaré.
Par contre, dans le fond, il n’est pas convaincu de l’efficacité de cette démarche sans mesures concrètes d’accompagnement.
« Si l’échec de toutes les institutions et le gouvernement, malgré les gros moyens déployés, est une réalité, je vois mal comment une commune qui n’a pas tous les moyens de l’Etat peut, à elle seule, réaliser cette propreté de la ville. Sans qu’il y ait des mesures d’accompagnement » insiste-t-il.
Pour notre interlocuteur, ces mesures d’accompagnement sont à voir en amont et en aval.
« Il y a des décisions que l’Etat doit prendre avec courage. On constate aujourd’hui que nos villes et nos villages sont envahies par la matière plastique. Or, dans tous les pays civilisés, actuellement, on n’utilise plus les emballages en plastique. On utilise généralement du papier. L’emballage en plastique est interdit dans beaucoup de pays. Il faut aussi prendre le cas de ces nombreuses unités de fabrication d’eaux minérales. Quand les gens finissent de boire, ils jettent la matière plastique dans la rue ou dans les caniveaux. Tout cela contribue vraiment à salir la ville. Et ce sont des ordures que nous ne pouvons pas traiter. Si on les brûle, ça produit beaucoup de gaz toxiques. C’est un autre problème. Il y a également l’huile des vidanges qu’on déverse un peu partout. Vous avez l’huile et la graisse avec les mécaniciens. On déverse tout ça dans la rue ou dans les fossés. Comment assainir tout cela. A ce niveau l’Etat doit donc prendre certaines dispositions pour interdire l’utilisation des emballages plastiques et recommander l’utilisation du papier. Ne plus permettre que les gens utilisent la plastique n’importe comment. L’Etat doit assumer cette responsabilité » exhorte-t-il.
Ce n’est pas tout. L’expérience a prouvé qu’il ne s’agit pas d’organiser seulement le ramassage des ordures.
« Il faut catégoriser les ordures. Il y a des ordures qu’on ne peut pas détruire, comme la ferraille. Il y a la matière plastique. Il faut donc organiser d’abord un tri. Or, on n’a aucune organisation qui puisse nous permettre de faire un tri des ordures que l’on lance un peu partout. Ensuite, une fois que le tri est réalisé, il faut trouver des structures pour transformer certaines ordures en compostes. Pour cela, il faut des gros moyens. Je me rappelle qu’avec les différentes organisations internationales, les rencontres internationales telles que Africités, tous les maires de l’Afrique et des partenaires ont eu à discuter sur les questions d’assainissement. Pour avoir donc une usine de composte, les différentes Etats de la sous-région ouest africaine peuvent s’organiser pour qu’on trouve au moins dans deux villes de la CEDEAO des structures de ce genre, parce qu’apparemment un seul Etat africain ne peut l’en avoir à lui seul » précise-t-il.
A ce niveau, l’ancien maire de Labé fait remarquer que « si on ne peut pas recycler les ordures, on ne fait que les ramasser et les jeter quelques parts, on risque d’entourer nos cités de ceintures d’ordures et çà aussi c’est un autre problème, parce qu’avec les saisons des pluies, il y a des tas d’ordures, des montagnes d’ordures, l’eau va se déverser, couler un peu partout, aller même dans les ruisseaux ou dans les forages, dans des puits pour constituer un danger pour la santé. Sans compter les moustiques, les ras, les animaux qui pourrissent dans les ordures-là comme les chiens et les chats. La putréfaction mêlée aux eaux de ruissellement empoisonne la cité ».
C’est pour toutes ces raisons et d’autres encore que le doyen Elhadj Ibrahima Sampiring Diallo a conclu que l’initiative du ministre Mory Condé est à encourager « mais il doit aller en profondeur et lui seul il ne pourra pas. Il faut vraiment que tout le gouvernement y participe. Les communes seules ne pourront pas. Il faut vraiment organiser des journées nationales de réflexion sur l’assainissement et avoir des propositions concrètes et ne plus rester superficiel. Des programmes de ce genre sont des programmes superficiels qui font de l’agitation. Mais, on oublie l’essentiel ».
Idrissa Sampiring Diallo pour infosbruts.com
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