L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, un partenariat de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante en République de Guinée.
Nouvelle information :
L’Observatoire a été informé de sources fiables de la poursuite de la détention arbitraire et du harcèlement judiciaire de M. Saikou Yaya Diallo, directeur du Centre guinéen pour la promotion et la protection des droits humains (CPDH) et membre de la Coordination nationale du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC)[1]. M. Saikou Yaya Diallo est notamment chargé du suivi des arrestations et des dossiers en justice des membres du FNDC.
Selon les informations reçues, alors que la présidente de la première chambre de contrôle de l’instruction de la Cour d’appel de Conakrya a ordonné la mise en liberté provisoire de M. Saikou Yaya Diallo assortie d’un placement sous contrôle judiciaire le 21 mai 2020, ce dernier reste, à la date de publication de cet appel urgent, toujours incarcéré à la maison centrale de Conakry.
Cette décision, pourtant non susceptible de recours et qui devait produire ses effets immédiatement, n’a pas été exécutée car le Procureur général près la Cour d’appel de Conakry s’est, à ses dires, pourvu en cassation à son encontre le 25 mai 2020. Pour les avocats de M. Saikou Yaya Diallo, il est incompréhensible que le Procureur se pourvoit en cassation contre une décision non susceptible de recours, dans une attitude qu’ils jugent non professionnelle.
Le Procureur général près la Cour d’appel de Conakry avait pourtant, le 21 mai 2020, signé l’ordre de mise en liberté provisoire de M. Saikou Yaya Diallo, et s’était abstenu, par la suite, de remettre cet ordre aux avocats de M. Saikou Yaya Diallo, ne leur permettant donc pas de sortir leur client de prison.
M. Saikou Yaya Diallo, qui est diabétique chronique et nécessite un traitement médical et un régime alimentaire spécial, se trouve exposé à un risque accru de contracter la Covid-19 en prison. En effet, le 26 mai 2020, les autorités guinéennes ont confirmé au moins 66 cas de Covid-19 sur 572 détenus dépistés au sein de la prison de Conakry[2], une des plus surpeuplée du pays, où M. Saikou Yaya Diallo est incarcéré.
L’Observatoire rappelle que de nombreux membres du FNDC font, depuis avril 2019, l’objet de menaces, d’arrestations arbitraires et de harcèlement judiciaire en raison de leur protestation pacifique contre la réforme constitutionnelle adoptée lors des élections législatives et référendaires de mars 2020, qui permettrait au Président Alpha Condé de se présenter pour un troisième mandat présidentiel consécutif en 2020. Parmi eux, MM. Abdourahamane Sanoh, Mamadou Baïlo Barry, Alpha Soumah, Abdoulaye Oumou Sow, Mamadou Bobo Bah[3], Ibrahima Diallo, et Sékou Koudouno, tous deux sous contrôle judiciaire depuis le 13 mars 2020[4], ainsi que M. Oumar Sylla, arbitrairement détenu depuis le 17 avril 2020[5].
L’Observatoire dénonce la poursuite de la détention arbitraire et du harcèlement judiciaire de M. Saikou Yaya Diallo, qui ne semblent viser qu’à sanctionner ses activités légitimes de défense des droits humains ainsi que l’exercice de sa liberté d’expression. L’Observatoire appelle les autorités guinéennes à procéder à sa libération immédiate et inconditionnelle pour raisons de santé, et à mettre un terme à tout acte de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à son encontre ainsi qu’à celle de l’ensemble des défenseurs des droits humains dans le pays. L’Observatoire appelle également le Conseil supérieur de la magistrature de la République de Guinée à enquêter sur les activités du Procureur général près la Cour d’appel de Conakry dans le dossier de M. Saikou Yaya Diallo et de le sanctionner conformément à la loi en cas de manquements avérés.
Rappel des faits :
Le 7 mai 2020 aux alentours de 11 heures, des agents de la Direction de la surveillance du territoire (DST) en civil et cagoulés ont arrêté, sans mandat d’arrêt ni convocation, M. Saikou Yaya Diallo au niveau de Hamdallaye, dans la commune de Ratoma à Conakry, et l’ont emmené de force dans un véhicule vers une destination inconnue. Il aurait été transféré à l’immeuble « 15 étages », siège des services de renseignements à Conakry.
Le lendemain, M. Saikou Yaya Diallo a été transféré au centre de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). Il n’a eu accès à son avocat que le 11 mai 2020.
Lorsque son épouse est venue lui rendre visite les 7 et 8 mai pour lui apporter à manger à la DCPJ, les agents de sécurité ne lui ont pas permis d’entrer en contact avec son mari, mais celui-ci a eu accès à la nourriture déposée pour lui. Le lendemain, à la DST, où il a ensuite été transféré, il s’est vu refuser l’accès à la nourriture et aux médicaments déposés par son épouse.
Le 12 mai 2020, le procureur du Tribunal de première instance de Dixinn, à Conakry, a ouvert une information judiciaire contre M. Saikou Yaya Diallo et l’a inculpé des charges de « violences », « menaces », « voie de fait » et « injures publiques » (article 240 et suivants du Code pénal), au cours d’une audience où M. Saikou Yaya Diallo a eu accès à son avocat. Les accusations pesant à son encontre ont trait à son implication dans l’affaire ayant mené à la découverte d’une agent de police de la DST venue assister, sous couverture, à une réunion suivie d’une conférence de presse du FNDC, qui s’est tenue le 25 mars 2020 au siège du parti PADES. A la suite de l’audience, M. Saikou Yaya Diallo a été placé sous mandat de dépôt à la maison centrale de Conakry.
Actions requises :
L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités guinéennes en leur demandant de :
i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et le bien-être psychologique de M. Saikou Yaya Diallo, ainsi qu’un accès aux soins et au régime spécial dont il a besoin ;
ii. Procéder à la libération immédiate et inconditionnelle M. Saikou Yaya Diallo et de l’ensemble des défenseurs des droits humains arbitrairement détenus en République de Guinée ;
iii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre de M. Saikou Yaya Diallo et de l’ensemble des défenseurs des droits humains en République de Guinée ;
iv. Mener une enquête effective, indépendante et impartiale sur les agissements du Procureur général près la Cour d’appel de Conakry dans le dossier de M. Saikou Yaya Diallo, et le sanctionner conformément à la loi en cas de manquements avérés ;
v. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement aux articles 1 et 12.2 ;
vi. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la République de Guinée.
Adresses :
M. Alpha Condé, Président de la République de Guinée, Boulbinet avenue de la République – Conakry, Twitter : @President_GN @Sekhoutoureya
M. Ibrahima Kassory Fofana, Premier Ministre, chef du Gouvernement, Palais des Colombes, Kaloum – Conakry, Twitter : @IbrahimaKFofana @PrimatureGN
M. Mamadou Lamine Fofana, Ministre de la Justice par intérim, Garde des sceaux, Rue KA 003 – Almamya Commune de Kaloum, BP : 564 Conakry – Guinée, Email : contact@justice.gov.gn
M. Mouctar Diallo, Ministre de la Jeunesse et de l’emploi jeune, BP 262 Conakry, Mail : info@jeunesse.gouv.gn
M. N’Famara Camara, Secrétaire général du Ministère de l’Unité nationale et de la citoyenneté, Email : jpfamara@gmail.comM. Ousmane Sylla, Ambassadeur de la République de Guinée à Bruxelles, Boulevard Auguste Reyers 108 Schaerbeek, 1030 Bruxelles, Email : ambaguibruxelles@mae.gov.gn/ ambaguinee.bruxelles@yahoo.fr, Fax : (+32) 2.762.60.36
Ambassade de la République de Guinée à Genève, Représentation permanente auprès des Nations unies, Rue du Valais 7-9, 1202 Genève, Suisse, Mail : consulat.guineegeneve@gmail.com/ mission.guinea@ties.itu.int
Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de la République de Guinée dans vos pays respectifs.
Paris-Genève, le 18 juin 2020
Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.
L’Observatoire, partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.
Pour contacter l’Observatoire, appeler la ligne d’urgence :
• E-mail : Appeals@fidh-omct.org
• Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 25 18 / 33 1 43 55 18 80
• Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29